Jean-Yves JAMIN, Docteur et Directeur Adjoint de l’UMR.

  • Création : 3 janvier 2007

Le projet Fsp régional « Sirma », sur financement français, a été lancé en août 2004 pour une durée de 4 ans. Le projet regroupe les principaux instituts d'enseignement supérieur agronomique du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie), ainsi que les instituts de recherche français, Cemagref, Cirad et Ird.Le projet conduit des actions de recherche intervention qui ont pour but de construire avec le monde professionnel agricole des innovations techniques, des outils économiques et des arrangements institutionnels qui contribuent à une meilleure valorisation de l'eau agricole. Le projet a également pour ambition de contribuer à la formation initiale des ingénieurs agronomes et à la formation continue du monde professionnel.

1 : La gestion optimisée des ressources en eau est un des défis et des axes de recherche majeurs du CIRAD, ou en est la recherche dans ce domaine ?

Dr. Jean-Yves Jamin : Nous travaillons actuellement sur plusieurs axes, à partir de notre point de départ qui est l'agriculture (la gestion optimisée des ressources en eau).  L'eau est une ressource vitale pour plusieurs pays, où il est impossible de pratiquer une agriculture productive sans irrigation, car les pluies sont insuffisantes. Dans tous les milieux tropicaux et méditerranéens ces questions se posent, et aujourd'hui elles se posent d'une nouvelle façon parce que l'agriculture est en concurrence avec d'autres secteurs pour le partage de l'eau. Il y a 20 ans, la question était simple : comment produire plus avec toute l'eau disponible ; aujourd'hui la question est plutôt comment produire avec l'eau qui reste disponible pour l'agriculture, car les autres secteurs sont de plus en plus demandeurs d'eau. Ces secteurs sont de plus en plus prioritaires parce que leur poids politique, économique et social est de plus en plus important. L'alimentation en eau potable pour la population est partout une priorité absolue, mais d'autres secteurs sont parfois aussi importants, car plus productifs que l'agriculture en termes de valorisation économique du m3 d'eau (industrie, mines, tourisme...).
Nos recherches portent sur des milieux très variés. Nous travaillons beaucoup en Afrique : au Maghreb, en Afrique de l'ouest et en Afrique du sud, sur les grand fleuves africains comme le fleuve Niger ou le Limpopo. Mais aussi en Amérique latine : au Brésil, où il y a des zones très sèches, en Asie  -  en Indonésie, au Vietnam et en Thaïlande, où les climats sont moins secs mais où les densités de population sont très fortes et où il y a donc une forte pression sur les ressources en eau. Nous travaillons également dans des contextes insulaires : les îles du Pacifique, La Réunion, ou Mayotte, où les bassins versants sont très petits et où il n y a pas de possibilité d'avoir accès à des  ressources en eau extérieures.
Au Maghreb, nous avons surtout des projets régionaux qui associent les 3 pays (Maroc, Algérie, Tunisie) car ces trois pays sont dans des contextes climatiques et démographiques proches, donc beaucoup de problématiques sont communes aux trois pays.

2 : Dans les pays du Maghreb le secteur de l'agriculture irriguée est le premier consommateur en eau, ce qui explique le grand défi pour ces pays d'une gestion optimisée de cette ressource; vous êtes d'ailleurs partenaire du projet SIRMA (systèmes irrigués au Maghreb), pouvez vous nous dire un mot  sur ce projet ?

Dr. Jean-Yves Jamin : Le projet SIRMA vise à travailler sur la durabilité des systèmes irrigués au Maghreb, car d'un côté il y a des problèmes qui se posent du fait des difficultés croissantes d'accès à l'eau, d'un autre côté, il y a des reconversions qui se font parce que ces pays ont des économies qui s'insèrent de plus en plus dans le système économique mondial qui impose d'avoir de moins en moins de subventions et de supports directs à la production ; or l'irrigation est un secteur qui demande beaucoup d'investissements, et dans lequel l'Etat était donc très présents ; aujourd'hui les Etats se désengagent et les agriculteurs ainsi que les organisations professionnelles agricoles et le secteur privé doivent prendre le relais. La question de la durabilité se pose aussi de façon particulière dans les climats arides, car il y a un risque important de salinisation des sols, liée a deux aspects : d'une part, comme il y a plus d'évaporation que d'infiltration,  le sel remonte à la surface, et d'autre part on peut avoir des ressources en eau (des nappes) elles-mêmes salées ; il faut donc arriver a gérer cette salinité.

3 : Entre les stratégies d'économies en eau dans ces pays et leur mise en œuvre réelle, les contraintes technico-socio-économiques font toujours obstacle. Quel rôle peut jouer la recherche à ce niveau ?

Dr. Jean-Yves Jamin : Le rôle de la recherche est de diagnostiquer les problèmes et de proposer des voies de solutions possibles, en mettant en évidence les conséquences des choix qui sont ou seront faits, de façon à ce que les décideurs politiques puissent prendre leurs décisions en tout connaissance de causes ; la recherche met également l'accent sur les risques qu'il peut y avoir si des stratégies sont mises en place dans la précipitation ; par exemple, sur la question du désengagement de l'Etat, si le secteur privé n'est pas suffisamment préparé pour prendre le relais, il y a un risque qu'il ne puisse pas jouer un rôle très actif ou que les plus petits producteurs soient rapidement éliminés de la concurrence. De la même façon si les organisations porfessionnelles agricoles ne sont pas accompagnées et préparées, elles risquent de ne pas être prêtes pour les rendez-vous qui leur seront imposés par les Etats ou les bailleurs de fonds. Le rôle de la recherche est bien d'alerter sur les risques et de proposer des solutions techniques, économiques et sociales, mais les décisions  reviennent toujours au pouvoir politique et aux acteurs locaux.

Intégralité de l'interview dans le magazine Agroligne N°54...

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