Jean-Charles HIRONDEL, Conseiller Export UBIFRANCE

  • Création : 14 avril 2014

Entretien réalisé avec Mr Jean-Charles HIRONDEL, Conseiller Export UBIFRANCE, Chargé du Pôle AGROTECH - Produits Équipements et Technologies agroalimentaires.

Hirondel

Agroligne : quelle est votre vision de l’agriculture algérienne, notamment dans le secteur des fruits et légumes ?

Mr Jean-Charles HIRONDEL :

Si l’on compare l’Algérie à ses deux voisins du Maghreb, l’on constate que l’Algérie importe davantage de produits agroalimentaires (plus de 10 milliards de dollars) que le Maroc (5,6 milliards) et la Tunisie (2,5 à 3 milliards), mais aussi que l’Algérie exporte très peu dans ce secteur.

Le Maroc exporte pour plus de 3 milliards de dollars de produits agricoles et alimentaires (PAA) dont près de 1 milliard de fruits et légumes. La Tunisie exporte pour 1,8 milliards de PAA dont 700 millions d’huile (notamment d’huile d’olive) et environ 300 millions de dollars de fruits et légumes. L’Algérie n’a, pour sa part, exporté que pour 360 millions de dollars de PAA en 2011, dont les 3 quarts sont des réexportations de sucre. Les exportations algériennes de fruits et légumes n’atteignaient, en 2011, que 25 millions de dollars pour les fruits (essentiellement des dattes) et 5 millions pour les légumes.

Agroligne : Comment l’Algérie peut-elle, selon vous, améliorer ses performances à l’export ?

Mr Jean-Charles HIRONDEL : Il est évident que l’Algérie a un potentiel en matière de fruits et légumes qui ne demande qu’à être exploité. Parallèlement au développement de l’irrigation, la production algérienne de fruits et légumes se développera et s’organisera progressivement. Pour exporter de façon significative, il faudra que la production et les circuits s’organisent. Il existe déjà quelques grosses entreprises de production de fruits ou de légumes qui possèdent leur propre station de conditionnement et de réfrigération et qui seraient à même de proposer certains produits à l’export. 
Cependant, une grosse partie de l’offre algérienne de fruits et légumes étant le fait de petits producteurs, celle-ci n’est pas suffisamment homogène, transite par des nombreux intermédiaires, connait des ruptures de la chaîne du froid,... et ne convient pas pour l’exportation. C’est tout un système qu’il faut mettre en place, de la production jusqu’au lieu de destination, afin de permettre aux produits d’arriver, dans de bonnes conditions, sur les marchés étrangers.

Agroligne : quelles difficultés voyez-vous dans cette évolution ?

Mr Jean-Charles HIRONDEL : La première difficulté tient au niveau de production. Globalement, l’Algérie importe beaucoup plus qu’elle n’exporte. Il faut que la production augmente pour pouvoir satisfaire d’abord la consommation locale. Deuxième obstacle : les prix. Le marché connaissant régulièrement des périodes de tension, les prix intérieurs sont souvent élevés, ce qui rend l’export moins attractif. Troisième difficulté : les habitudes. Le consommateur algérien est très attentif au goût des produits mais moins exigeant sur la présentation. Or un produit est un tout. C’est sa qualité organoleptique mais aussi sa présentation et son emballage... et comme le produit devra être transporté sur des milliers de kilomètres, il faut aussi que la logistique et la chaîne de froid soient irréprochables.
D’autre part, pour pouvoir se développer à l’export, l’Algérie doit produire en fonction de la demande des marchés extérieurs et s’adapter à la concurrence qui existe déjà sur de nombreux produits. Une condition essentielle est de disposer de produits de qualité, fiables, normalisés,... à des prix compétitifs et dans les périodes où les marchés extérieurs sont les plus demandeurs.

Agroligne : les opérateurs algériens sont-ils bien préparés à l’export ?

Mr Jean-Charles HIRONDEL : Il faut aussi que les opérateurs algériens soient bien préparés à l’export afin de correspondre aux standards internationaux et de fournir des prestations similaires à celles de leurs concurrents : fiabilité, régularité, qualité,... 
On ressent, chez les opérateurs algériens une réelle volonté de se former, de structurer et de progresser. Exporter, ce n’est pas réaliser une vente de temps en temps, c’est conquérir des clients avec un produit et les fidéliser. L’exportation est une affaire de professionnels. L’amateurisme à l’exportation conduit souvent à de sévères désillusions. Dans toute l’Europe, la grande distribution est devenue largement prédominante. Il faut donc que la production s’organise pour proposer les bons produits, dans des périodes bien précises, dans les volumes voulus et à des prix compatibles. Il est indispensable que les produits soient normalisés et contrôlés. Cela suppose une organisation de la production en amont et une grande rigueur chez l’exportateur. 
Ce savoir-faire, les opérateurs peuvent essayer de l’acquérir en contractualisant avec des producteurs sélectionnés, en s’organisant en groupements de sociétés, en confiant l’exportation à des spécialistes. Le savoir-faire peut aussi être recherché à l’extérieur, chez les Marocains ou les Tunisiens, puisque ce sont des pays voisins, avec des produits analogues, et une expérience à l’export dans certains domaines. Ce savoir-faire peut être aussi recherché dans les pays destinataires en nouant des partenariats avec des entreprises technologiquement et commercialement à la pointe, et dont les produits seraient complémentaires.

Agroligne : La contribution de chaque pays dans cette mise en œuvre ? et comment la soutenir pour le cas de l’Algérie ?

Mr Jean-Charles HIRONDEL : L’Algérie, qui a eu tendance à se replier sur son marché intérieur au cours des dernières années, doit s’ouvrir sur l’extérieur. Il existe dans ce pays un grand besoin de formation, que ce soit au niveau de la production, des services, du contrôle, du commercial, du marketing,... Dans le domaine du lait, la région Bretagne (Bretagne International) coopère avec l’Institut Technique des Elevages pour former les agriculteurs algériens, les aider à se moderniser et à être plus performants, en vue de développer la production laitière. Dans le secteur des fruits et légumes, des structures régionales dans le sud de la France par exemple, pourraient répondre à la demande des agriculteurs algériens en matière de formation dans les secteurs qui nécessitent une mise à niveau (dans le domaine de la production, du traitement des produits en station, des services,...)...

 

 

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