Aziz Akhannouch, Ministre Marocain de l'Agriculture et de la Pêche maritime

  • Création : 5 septembre 2008

Plan Maroc Vert, partenariat public-privé autour des terres de l’Etat, fiscalité et lancement de la prochaine campagne agricole…, autant de chantiers pour le gouvernement. Quant au département de tutelle, il s’est attelé, l’été durant, à préparer les dossiers. Dans l’entretien accordé à L’Economiste, Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime, revient sur les réformes projetées et les mesures initiées en faveur du secteur agricole.

- L’Economiste : Vous avez présenté le Plan Maroc Vert en avril dernier. Où en est la mise en œuvre ?

- Aziz Akhannouch : La mise en œuvre du Plan Maroc Vert a déjà commencé à travers différentes actions. La prochaine étape est la déclinaison du plan au niveau des régions. Et, les plans régionaux feront l’objet de contrats-programmes d’ici la fin de l’année. Les mois à venir seront également marqués par la mise en place d’entités pour encadrer et réguler ce secteur stratégique. C’est un des grands chantiers de cette rentrée.

- Justement, où en est la création de l’Agence de développement agricole et quelles seront ses prérogatives ?

- Le gouvernement entend créer un établissement dédié à la mise en œuvre de la stratégie de développement agricole avec plus de célérité, d’économie et d’efficacité. L’agence aura notamment pour missions d’identifier et de cadrer les grands projets autour des modèles d’agrégation en vue d’encourager les investissements. Elle aura aussi pour tâche d’encadrer les opérations de reconversion et de diversification des cultures. Sans oublier la veille qu’elle doit assurer pour l’ensemble de la stratégie.
Mais les missions de services publics qui seront dévolues à l’agence ne pourront être réalisées que si l’Etat la dote de réelles prérogatives sur les plans juridique, économique et financier.

- Vous avez évoqué la création d’autres entités, de quoi s’agit-il exactement ?

- En effet, nous avons également d’autres projets qui sont, actuellement, en discussion et notamment la mise en place de l’Office national de sécurité sanitaire des aliments (ONSSA). L’objectif est de mettre fin à la multitude d’intervenants et d’assurer la sécurité sanitaire des aliments et la protection du consommateur. L’ONSSA sera doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière et représenté dans toutes les régions du Royaume.

- Vous avez aussi un projet de réforme pour les chambres d’agriculture

- Tout à fait, les chambres d’agriculture sont, aujourd’hui, au nombre de 37. Malheureusement, elles ne sont pas efficientes du fait d’une implantation géographique inappropriée, d’un cadre juridique obsolète et de moyens financiers dérisoires.
Il est prévu, tout d’abord, de modifier le découpage régional en instituant une chambre par région, soit 16 au lieu de 37. Il faut ensuite réadapter le statut en vigueur aux besoins du monde agricole. Il s’agit enfin d’en améliorer l’intervention en les dotant de moyens humains et financiers suffisants.

- Quelles mesures pour aborder la campagne agricole qui s’annonce ?

- Lors de la campagne agricole 2007-2008, les disponibilités en semences céréalières ont été limitées. Pour sécuriser cet intrant, il sera procédé pour cette nouvelle campagne à la mise en place d’un train de mesures. L’objectif est de   porter la multiplication des semences, dans les zones irriguées, à 20.000 ha et de donner plus de visibilité aux professionnels.
Une prime de multiplication de 15% par rapport aux semences communes sera accordée et une souplesse dans la détermination du prix de vente sera aussi permise.

- Avez-vous prévu des mesures d’accompagnement pour les engrais ?

- Pour ce qui est des engrais, l’approvisionnement du marché national est effectué à partir de deux sources, à savoir les importations qui portent principalement sur les produits azotés et les produits potassiques et la production nationale qui concerne les engrais complexes et phosphatés. Ce secteur bénéficie de l’exonération des droits de douane et taxes à l’importation. Compte tenu de la flambée des cours des matières premières (ammoniac, soufre et potasse) que le Maroc importe pour la quasi-totalité, les prix départ usine des engrais de fond fabriqués par l’OCP allaient enregistrer, à partir de juillet 2008, des hausses significatives (150 à 180%) en comparaison avec les cours actuels. Mais l’OCP a décidé de ne pas augmenter ses prix pour cette année.

- L’ouverture des importations des céréales est intervenue avant terme. N’y a-t-il pas risque de heurter les intérêts des intervenants dans la filière ?

- Le gouvernement a pris la décision d’ouvrir le marché, depuis le 16 août 2008, aux importations avec suspension des droits de douane afin d’assurer un approvisionnement normal du pays à la veille du mois de Ramadan. En même temps, le gouvernement a pris les mesures pour permettre aux organismes stockeurs de liquider les quantités de blé tendre entre les 16 et 31 août 2008 au prix référentiel de 300 DH/q (pour une qualité standard, toutes charges et marge comprises). Je pense que dans ces conditions les intérêts des agriculteurs et des intervenants du secteur sont préservés.

- La 2e tranche de l’opération partenariat public/privé autour des terres de la Sodea-Sogeta vient d’être bouclée. D’aucuns avancent qu’elle a profité aux seuls gros agriculteurs. Qu’en est-il ?

- Cette opération a porté sur la location de plus de 38.000 ha qui sont répartis en trois catégories de projets: 92 petits et moyens, 38 grands projets filières et 11 projets semences.
Les petits et moyens projets ont été lancés dans le cadre d’un appel d’offres ouvert à l’international. Par contre, ceux portant sur les semences et filières ont été lancés dans le cadre d’appels à manifestation d’intérêt en deux phases de sélection. La participation était très forte. Nous avons reçu quelque 860 offres, dont 107, soit 12%, des étrangers. Sur ce total, 31 offres étrangères ont été retenues, le reste a été attribué à des opérateurs marocains. L’évaluation des offres a été assurée par 56 experts de différentes spécialités, organisés en 11 groupes. Sur cet ensemble, 34 venaient du ministère de l’Agriculture, 12 de l’Economie et des Finances et 10 du Commerce et de l’Industrie. Ce groupe, polyvalent, a réuni des ingénieurs agronomes, des économistes, des spécialistes financiers et des juristes. Les décisions prises par ces experts ont été respectées à la lettre par le comité interministériel. Seul changement, nous avons limité le nombre de concessions à quatre par soumissionnaire. Cette décision est postérieure à l’appel d’offres. Ce qu’il faut aussi retenir, c’est qu’il s’agit d’un programme portant sur un investissement de l’ordre de 8 milliards de DH avec la création, entre autres, d’environ 10.000 ha d’agrumes, 10.000 ha d’oliviers et 9.500 ha de cultures annuelles. Par ailleurs, 23.000 emplois directs seront créés. Sur ce total, on table sur 400 cadres, 1.200 techniciens et plus de 21.000 emplois permanents. C’est dire l’envergure d’un tel projet. L’opération a démontré aussi qu’il y a un réservoir d’investissement qui peut s’impliquer dans la stratégie de développement agricole. En effet, le plan Maroc Vert qui prévoit la forte implication d’agrégateurs, la concession des terres agricoles de l’Etat joue un rôle important car elle va permettre la création de 169 complexes agro-industriels. Pour y arriver, il nous faut des projets pilotes pour drainer des investissements à l’instar de ce qui est fait dans les grands pays agricoles dans le monde.

- Que répondez-vous à l’Apefel qui vous accuse d’avoir négligé le petit agriculteur dans cette opération ?

- Je répondrai qu’il faut qu’on arrête d’instrumentaliser l’opinion publique et que l’intérêt général prévaut sur les intérêts personnels… Nous respectons les règles d’équité et de transparence mais on ne peut satisfaire les demandes de l’ensemble des membres de l’Apefel. De plus, ceux-là même qui pensent que nous aurions dû laisser une place aux petits agriculteurs auraient dû commencer par donner l’exemple en ne soumissionnant pas et en laissant la place, justement aux petits agriculteurs…

- Visez-vous quelqu’un en particulier ?

- Je pense qu’ils se reconnaîtront. Ceci étant, pour en revenir aux petits agriculteurs, ce que je peux vous dire, c’est que dans le schéma de cette seconde tranche, les parcelles les plus petites (50 ou 100 ha) nécessitent des investissements importants. Le petit agriculteur ne pouvait entrer dans ce schéma. Cependant sur l’ensemble des candidats retenus, 49 s’engagent à devenir des agrégateurs et par conséquent ils prendront en charge les petits agriculteurs qui se trouvent dans leur environnement.
Par contre, je peux vous annoncer que dans le cadre du plan Maroc Vert, les soumissions seront conditionnées par la prise en charge obligatoire des petits producteurs dans le cadre d’agrégation. C’est le principe même de l’agrégation tel que le gouvernement l’a prévu.
Enfin, ce que je peux vous assurer, c’est que le petit agriculteur est et restera toujours au centre de toutes nos réflexions.

- L’agriculture occupe les devants de l’actualité. Qu’en est-il de la pêche ?

- Pour le secteur de la pêche, l’actualité est également très riche. Nous lançons une étude stratégique globale pour le positionnement du secteur. Cette étude va durer cinq mois.

- Dernière question, vous organisez, en octobre prochain, le 1er Salon du Cheval. Quels objectifs ?

- Cette manifestation sera le second rendez-vous incontournable après le Siam (Salon international de l’agriculture de Meknès). Le Salon du Cheval d’El Jadida sera un évènement d’une grande importance. Placé sous le haut patronage de SM le Roi, il vise à valoriser le patrimoine et les traditions équestres du Royaume. Afin que l’organisation se déroule dans les meilleures conditions, une association a été créée à cet effet. Cette entité a pour mission de porter ce projet et d’en gérer tous les aspects, opérationnels, administratifs et financiers. L’association est aujourd’hui en pleine activité. Par ailleurs, il faut souligner que le salon s’étalera sur une superficie exploitable en chapiteaux et stands de 9 ha. Il y aura entre autres un stand pour chacune des 16 régions où seront mises en valeur les spécificités des traditions équestres de chaque zone, un espace spectacle qui pourrait accueillir des spectacles nationaux comme le carroussel de la Garde Royale ou la Tbourida ou encore des spectacles internationaux comme Lorenzo…
Il y aura également un espace élevage qui accueillera les championnats nationaux du cheval barbe et du pur-sang arabe…
Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y aura des moments forts, des moments magiques autour du cheval. « Fierté et Passion » est le thème qui a été retenu pour cet évènement. C’est dire toute la symbolique que ces mots comportent.

Source : www.leconomiste.com

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