Viande artificielle, bientôt dans nos assiettes ?

  • Création : 15 juin 2020

Pour réduire – voire éliminer – l'élevage intensif et ses conséquences, une poignée de start-up accompagnées par des géants de l'agroalimentaire misent sur la viande "artificielle", un succédané de viande entièrement fabriqué en laboratoire.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce projet n'est pas récent ; les premiers essais datant des années 2000. Mais, pour l'instant, aucune entreprise n'est encore arrivée au stade de l'industrialisation, pourtant indispensable pour montrer la fiabilité et la viabilité de ces projets.

Emissions de CO2, épuisement des ressources, maltraitance animale… l'élevage intensif est souvent présenté comme l'une des causes majeures des maux du 21e siècle. Pour certains, la solution serait de remplacer la viande "traditionnelle" par de la viande créée de toute pièce à partir de cellules animales. Un procédé qui ne nécessite ni de passer par l'élevage ni par l'abattage. Les termes abondent : viande de culture, viande in vitro, viande de laboratoire, viande artificielle, viande synthétique…

LE PROCÉDÉ NATUREL DE RÉGÉNÉRATION DES TISSUS MUSCULAIRES

Cette viande "artificielle" est entièrement fabriquée en laboratoire. On parle de carniculture. Même s'il en existe plusieurs types, une technique est aujourd'hui majoritairement plébiscitée pour élaborer cet aliment. Elle repose sur le procédé naturel de régénération des tissus musculaires. Un prélèvement de cellules souches est effectué dans le muscle d'un animal, sur un bovin si l'objectif est de créer du bœuf par exemple.

Ces cellules sont ensuite placées dans un environnement de culture propice à leur prolifération, dans des bioréacteurs qui reproduisent les mêmes conditions qu'à l'intérieur du corps de l'animal. Les cellules prélevées se différencient en cellules musculaires. Elles forment alors une fibre musculaire appelée "myotube". Une fois placés dans un gel, ces myotubes prennent progressivement du volume pour devenir un petit morceau de tissu musculaire. On compte, en moyenne, 44 jours pour ce processus. 

UN PREMIER STEAK DE CULTURE EN 2013

Les premiers projets de viande "artificielle" ont été lancés dans les années 2000. Un programme de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) visait à synthétiser de la viande grâce à du tissu musculaire de poisson rouge pour nourrir les astronautes en mission de longue durée. Mais c'est en 2013 que l'idée de la viande in vitro fait véritablement parler d'elle, avec la très médiatique dégustation, à Londres, du tout premier steak artificiel.

Le burger, conçu par le pharmacologue néerlandais Mark Post, avait coûté à l'époque 300 000 francs (45 734 euros) payés par Sergey Brin, le cofondateur de Google. Les géants technologies ont d'ailleurs toujours été intéressés par ces alternatives. En août 2017, Bill Gates a par exemple massivement investi dans la start-up américaine Memphis Meats. 

D'autres projets plus spectaculaires ont suivi. En septembre 2019, un cosmonaute a produit de la viande artificielle à bord de la Station spatiale internationale. Menés par la jeune pousse israélienne Aleph Farms, les tests ont permis de concevoir des tissus de bœufs, de lapin et de poisson à l'aide d'une imprimante 3D. 

Aujourd'hui, ce sont principalement des start-up américaines, isréaliennes et européennes – comme Future Meat Technologies, Mosa Meat, Memphis Meats, Just, Aleph Farms – qui tiennent le haut du panier sur ce marché émergent. Et les acteurs de la viande traditionnelle ne s'y trompent pas. Bell Food Group, principal producteur européen de viande, et les géants américains Tyson Foods et Cargil ont tous investi des millions dans ces jeunes pousses. 

VIANDE DE CULTURE VERSUS SUBSTITUTS VÉGÉTAUX

La viande in vitro est donc une alternative à la viande "traditionnelle" mais reste d'origine animale. Elle doit être bien distinguée des substituts végétaux qui fleurissent actuellement sur le marché. Ces derniers ne contiennent aucune protéine animale, même s'ils ressemblent parfois à s'y méprendre à des steaks de bœufs, comme c'est le cas avec les produits des entreprises américaines Impossible Foods ou Beyond Meat (photo ci-dessous). On les appelle des substituts végétaux de "seconde génération", pour les différencier des basiques steaks de soja ou de haricots rouges.

Mais à ce jour, il est encore impossible d'acheter un steak de viande artificielle. En effet, l'industrie agroalimentaire exige un passage à l'échelle du processus de production qui n'est pas encore d'actualité. La première et principale limite est le coût des procédés de culture. Ils sont dûs à l'utilisation d'enceintes stériles pour éviter les contaminations microbiennes, ainsi qu'aux incubateurs, bioréacteurs et milieux de culture, qui sont très onéreux. Mais plus les recherches avancent et plus ces dépenses baissent, car le processus devient plus efficace. Une étude du cabinet de conseil A.T. Kearney sortie en juin 2019 va d'ailleurs dans ce sens. 

35% DE LA VIANDE CONSOMMÉE EN 2040 SERA CULTIVÉE EN LABORATOIRE

A.T. Kearney estime qu'en 2040, 35% de la viande consommée dans le monde proviendra de la viande cultivée, et 25% des substituts végétaux de seconde génération, type Beyond Meat ou Impossible Foods. Le principal argument avancé par le cabinet est que la viande artificielle répondrait mieux aux attentes des consommateurs moyens, qui restent encore attachés au profil sensoriel de la viande traditionnelle.

Mais l'étude note également que l'agriculture cellulaire n'a attiré que 50 millions de dollars en capital-risque en 2018, comparé aux 900 millions de dollars pour les produits de substitutions de première et de deuxième génération. De plus, elle rapporte que le prix actuel de 100 grammes de steak haché est de 0,80 dollars, le prix de 100 grammes d'un burger végan est de 2,50 dollars, et le prix actuel de la viande en laboratoire est de 80 dollars pour 100 grammes; un prix qui pourrait baisser pour arriver à 4 dollars les 100 grammes d'ici 12 ans. 

QUELLE ACCEPTATION SOCIALE POUR LA VIANDE DE CULTURE ?

Les substituts végétaux ne seraient donc qu'une phase de transition pour habituer les consommateurs à de nouvelles habitudes alimentaires. Mais est-ce que ces derniers, principaux intéressés, se laisseront prendre au jeu ? Une étude publiée en 2008 dans la revue Journal of Agricultural and Environmental Ethics, menée par les chercheurs Patrick D. Hopkins et Austin Dacey, a identifié plusieurs points modulant l'acceptation des nouvelles technologies alimentaires par les consommateurs. Une première série de déterminants repose sur la perception des avantages et des risques de la technologie pour le citoyen, la société et les promoteurs de ladite technologie.

Une seconde série de déterminants est liée à la technologie elle-même : la croyance générale dans la science, le caractère artificiel du produit et la confiance dans le cadre réglementaire. Enfin, les différences socio-culturelles et le niveau de sensibilisation aux nouvelles technologies influent également sur la réaction des consommateurs. Par ailleurs, une étude publiée dans la revue Science, menée par trois chercheurs américains en 2011, soulève le rôle de l'information apportée par les médias. L'importance de la couverture médiatique peut être un déterminant d'acceptation ou de rejet par les citoyens.

 

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