Etre actrices du monde rural : des femmes porteurs de projets se forment

  • Création : 24 avril 2006
Dans une société en forte évolution et un monde agricole et rural en mutation, la formation est un outil incontournable pour toutes les personnes qui souhaitent s'adapter, s'ouvrir, innover, prendre des responsabilités. Neuf femmes gardoises et héraultaises des secteurs agricole et artisanal ont choisi de se former depuis novembre 2005 avec l'IFOCAP Méditerranée pour développer leurs potentiels et leurs aptitudes à l'organisation collective et individuelle en vue d'« agir au cœur du milieu rural et dans les instances professionnelles ».

Cette formation financée en partie par VIVEA, fonds d'assurance formation des producteurs du vivant, s'inscrit dans le cadre plus général d'un programme EQUAL : Reconnaissance et Indépendance des femmes collaboratrices en Languedoc Roussillon. formation, IFOCAP Méditerranée, femmes 

Agroligne a profité de cette occasion pour interroger Karen Serres - Agricultrice du lot (éleveur d'ovins viande et de porc) élue Présidente nationale de la commission des agricultrices en mars 2005 - qui intervenait dans le cadre de cette formation

Agroligne : La commission des agricultrices a été créée il y a 50 ans, quels étaient les besoins et finalités de ce regroupement ?

   Karen Serres : Dans les organisations agricoles de l'époque, il n' y avait pas d'agricultrices élues. Pour que les agricultrices puissent être représentées dans les différents conseils d'administration, il fallait lever un verrou et donc la commission a été l'occasion structurelle d'imposer une sorte de pourcentage minimum d'agricultrices dans les différents conseils d'administration du syndicalisme et notamment à la FNSEA.
Les objectifs au départ  étaient doubles :
- atteindre une parité de représentativité hommes/femmes dans les CA
- et arriver à une égalité de  traitement entre les agricultrices et agriculteurs, mais aussi entre les agricultrices et les autres femmes dans la société.

Par rapport au 1er objectif, quand on voit qu'aucune femme n'est représentée au niveau du bureau  national des jeunes agriculteurs, et que sur la totalité de la France il n'y a que 5 présidentes FDSEA, 2 présidentes de chambres d'agricultures et 6 à 10 % d'agricultrices au conseil d'administration de la FNSEA,   alors que nous représentons 36 % des actifs en agriculture, on peut dire que l'objectif n'a pas été atteint.
Par rapport au second volet, il reste quelques verrous même si beaucoup de choses ont été obtenues.  Nous avons obtenu des reconnaissances statutaires, la possibilité de s'installer, d'avoir droit aux aides à l'installation, au congé maternité, au droit à la retraite et à la revalorisation des retraites Tout ça étaient des choses qui n'existaient pas dans les années 50, et que nous avons eu grâce au syndicalisme et plus spécifiquement  grâce à la commission des agricultrices qui a beaucoup oeuvré en ce sens.

On a plus tendance à regarder devant soi qu'en  arrière, donc il reste à obtenir une parité totale de traitement dans le cadre des congés maternités vis à  vis du reste de la société. Il reste aussi quelques verrous concernant la prise en compte statutaire des agricultrices par rapport au système sociétaire en agriculture.

Agroligne : Quels sont les besoins en terme de formation pour les agricultrices ?

Karen Serres : Il y a toujours un besoin de formation et cela pour tout être humain quelque soit sa profession. Pour les agricultrices, on se rend compte qu'il y a des besoins de formations techniques,  car la le savoir-faire est toujours nécessaire, mais il y a aussi un besoin de formation humaine (la savoir être), qui vient en amont de la technique . Ce type de formation, qui est une nouvelle approche, permet d'être à l'aise et de prendre du recul sur son métier, sur son engagement. Souvent un exploitant agricole engage un patrimoine familial et donc un ensemble professionnel et privé.
Ce type de formation dans l'agriculture permet donc de faire le point sur le pourquoi de son métier, sur la qualité de vie, sur les finalités de son engagement dans la société. L'agriculture est un métier ou le travail en groupe et la mise en commun (ce qui a donné lieu à des regroupements comme les coopératives, les Cuma et même le crédit agricole) est nécessaire, c'est un métier qui ne peut se concevoir de manière individualiste.

Agroligne : A qui s'adressait cette formation à l'IFOCAP Méditerranée et quelles en étaient les finalités ?

Karen Serres : Cette formation se déroulait dans le cadre d'un dossier « Equal », sur l'égalité des chances, on s'adressait donc à un public féminin. Un public d'agricultrices, mais aussi des femmes artisanes, engagées, actives et créatrices d'entreprises en milieu rural. Ce type de formation permet une transversalité de vue,  une ouverture du fait du mélange des professions. Le but était également de les rendre plus dynamique dans deux sens :
-  plus dynamique à l'intérieur de leur propre métier, pour oser aller de l'avant et envisager des choses au sein de leur entreprise,
- et pour leur donner envie de s'investir en tant que citoyenne, dans un syndicat ou même au niveau associatif.

Agroligne : Quelle suite allez-vous donner à cette formation ?

Karen Serres : J'ai discuté à cœur ouvert avec Pierre Colin, qui est Président de l'IFOCAP Méditerranée. Et en tant que présidente du groupe « femme en agriculture et Président de la Fipa (Fédération internationale des producteurs agricoles), qui regroupe une centaine d'associations sur les 5 continents, j'ai laissé entendre qu'il serait intéressant de renouveler cette opération mais en ouvrant cette formation au agricultrices des deux rives de la méditerranée. La méditerranée ne s'arrête pas avec les frontières de l'Europe. Il faut pour les agricultrices une ouverture, une vision horizontale. Un mélange entre agricultrices de Tunisie, de France, d'Espagne...apporterait une richesse considérable à  tout le monde.

Agroligne :  Avez-vous un mot à rajouter ?

Karen Serres : Les femmes sont plus faciles à toucher sur ces sujets là, mais les formations sur l'humain peuvent être tout aussi utiles auprès d'un public masculin.

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